Badory Soavinjara Claudiane Victoria est une des rares femmes qui exercent une profession dans le domaine du numérique à Madagascar à l’heure où les nouvelles technologies occupent une place de plus en plus importantes dans les espoirs de développement du pays. Rencontre avec une pionnière qui regrette les préjugés auxquels elle a du faire face
« Les femmes et les filles doivent être prête à prendre part à la révolution numérique. Seuls 18 % des détenteurs d’un diplôme en sciences informatiques du premier cycle universitaire sont des femmes à l’heure actuelle. Nous devons parvenir à une évolution significative du nombre de filles qui choisissent d’entreprendre des études dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques dans le monde, si l’on veut que les femmes puissent prétendre réussir leur sélection aux emplois de « nouvelle génération » bien rémunérés. Les femmes ne représentent actuellement que 25 % de la main d’œuvre de l’industrie numérique », ainsi s’est exprimée la directrice exécutive d’ONU Femmes, Phumzile Mlambo-Ngcuka, à l’occasion de la journée internationale des femmes ce 8 mars. C’est également une réalité à Madagascar. Rare sont les jeunes filles qui choisissent de poursuivre leur étude dans le domaine du numérique et des nouvelles technologies qui est pourtant un secteur clé en ce temps. Badory Soavinjara Claudiane Victoria fait partie de cette minorité de filles.
La Tribune de Diego (LTdD) : Le monde du numérique n'attire pas encore beaucoup de femme dans le monde et surtout à Madagascar. Combien de femme et combien d'homme y avait-il dans votre promotion ?
Badory Soavinjara Claudiane Victoria : Lors de mon parcours à l’université, les femmes étaient en minorité par rapport aux hommes. En première année, notre promotion comptait 10 femmes et plus de 50 hommes mais au fil du temps certains élèves ont abandonné. A la dernière année de licence, il y avait huit femmes et environ 40 hommes. Notre promotion en Master 2 comptait en tout six femmes et 14 hommes.
LTdD : Pourquoi les femmes sont peu tentées d'étudier le domaine de la technologie ?
Badory Soavinjara Claudiane Victoria : La vraie raison de cet écart se justifie surtout par le fait que dès le lycée, le nombre de filles qui choisissent les séries scientifiques est minime. Le stéréotype en vigueur depuis plusieurs décennies est que les jeunes femmes ne sont faites que pour les séries littéraires, ce qui fait que rares sont les personnes qui les encouragent et les sensibilisent. C’est tellement ancré dans la vie de tous les jours qu’au final beaucoup de femmes sont réticentes à choisir le domaine scientifique.
LTdD : Et vous, pourquoi avez-vous choisi de suivre une filière informatique ?
Badory Soavinjara Claudiane Victoria : Au début, je voulais être une scientifique comme mon père car je l’admire beaucoup. Mais ma passion pour les ordinateurs a surgi lorsque j’allais à son bureau après l’école et quand il nous a acheté un petit ordinateur portable qui, à cette époque, avait encore un système DOS (Disk Operating System). De plus, ça me fascinais de voir ce que les gens pouvaient accomplir et comment la vie peut être facilitée et bien organisée grâce aux nouvelles technologies. Après mon baccalauréat, j’ai choisi la filière informatique pour vivre ma passion.
LTdD : Que pensez-vous des gens qui disent que les femmes doivent suivre des filières littéraires et les hommes, des filières scientifiques ?
Badory Soavinjara Claudiane Victoria : Les gens qui disent que les femmes doivent suivre les filières littéraires et les hommes, les filières scientifiques doivent savoir que ce stéréotype n’est plus d’actualité. Mais, malheureusement, c’est encore une réalité à Madagascar alors que de nos jours, dans les pays développés, on trouve les femmes dans presque tous les domaines professionnels qu’on jugeait autrefois réservés aux hommes. Les femmes comme les hommes ont le droit de suivre les filières qu’ils désirent suivre. Plus important encore, il faut que les jeunes choisissent ou qu’on les guide à choisir leur filière selon leurs vraie capacités et leurs passions afin qu’ils n’aient pas à regretter leur choix à l’avenir.
LTdD : Une fois entrée dans le monde du travail, quelles sont les difficultés rencontrées par les femmes qui choisissent d'opérer dans le monde du numérique ?
Badory Soavinjara Claudiane Victoria : Personnellement, la difficulté que j’ai rencontrée se trouve surtout dans la recherche de travail. Certaines entreprises préfèrent embaucher des hommes plutôt que des femmes. Et une fois qu’on obtient du travail, tout le monde doit prouver qu’il mérite sa place dans l’entreprise. Dans mon cas, je travaille en tant que « freelancer » d’une entreprise et je suis rémunérée par rapport au travail que j’ai accompli et mon assiduité.
LTdD : Selon vous quelles sont les raisons de ces différences ?
Badory Soavinjara Claudiane Victoria : Ces différences résident surtout sur le stéréotype que j'ai cité précédemment. Ce fait réside surtout dans les entreprises où le responsable est un homme. Ils sont persuadés que les hommes sont mieux qualifiés et sont plus capable d’accomplir les travaux en rapport au domaine numérique. Ils pensent que contrairement aux femmes, les hommes sont plus doués dans ce secteur, peut-être du fait qu’ ils sont entré très tôt dans le monde du numérique par les jeux vidéos, par exemple.
LTdD : Un message pour les femmes qui veulent faire comme vous et enter dans le monde du numérique ?
Badory Soavinjara Claudiane Victoria : Aux femmes qui veulent entrer dans le monde numérique, n’ayez pas peur d’oser ! Persévérez pour vivre votre passion ! La numérisation est maintenant indispensable au développement de Madagascar. Je vous encourage à nous rejoindre afin de faire avancer ce pays qui est le nôtre. Montrons au monde que nous, les femmes malagasy, sommes aussi capables de nous hisser dans le monde des nouvelles technologies.
■ Raitra