Une conférence était organisée pour informer et discuter des conditions des femmes dans l’art et les postes de décision
Les manifestations dans le cadre de la journée mondiale des droits des femmes à Antsiranana ne se résument pas à un défilé en tenue identique ou à un bal. Elles se démarquent ces dernières années par l’expression des idées des femmes et de dénonciations de situations stigmatisantes qu’elles n’évoquent publiquement que très rarement
A Antsiranana, les manifestations autour des droits des femmes ne se sont pas tenues en la seule journée du 8 mars. Tout public intéressé pouvait se rendre du 6 au 9 mars à l’Alliance Française et suivre une programmation variée et riche en information. Des films traitant des droits et des conditions féminines à travers le monde ont été projetés sur écran géant. Des ateliers de peinture étaient également au programme, réalisés par « Clipse », jeune prodige du graphe et de la peinture, seule représentante éminente de ce genre d’expression artistique à Madagascar.
Le 6 mars, la salle de spectacle a été remplie de jeunes et d’adolescents qui se sont intéressés aux parcours de trois femmes d’Antsiranana. Chacun pouvait se mettre dans la peau de chaque femme qui relatait ce qu’elle a dû traverser dans sa carrière professionnelle pour se faire respecter en tant qu’artiste et en tant que leader. Le thème principal de la conférence qui réunissait autant de jeunes dans une salle de l’Alliance Française était axé sur « La femme malagasy d’aujourd’hui et de demain ». Accompagnés de certains de leurs enseignants respectifs, les élèves du lycée Saint Jean, du lycée Mixte et du lycée Fivoarana ont ainsi interagi activement avec les intervenantes.
Un physique corpulent et la couleur foncée de la peau ne sont pas obstacles à une carrière d’artiste
Maurena Hénosa, lauréate du télé-crochet Pazzapa et actuellement bien connue pour son interprétation du personnage « Mamasôsy » dans eux films a surtout parlé de son rude parcours et des stigmatisations que la société lui a fait subir à cause de son physique particulièrement corpulent et de son teint foncé. Elle a encouragé les jeunes, principalement les jeunes filles, à s’aimer telles qu’elles sont, et à se mettre dans la tête qu’une forte corpulence et un teint foncé ne sont pas forcément des handicaps. Pour illustrer son combat, elle a cité une anecdote concernant son parcours de concurrente en compétition de chanson. Elle s’est vue dénigrée juste parce qu’elle avait une apparence hors des standard habituels. Elle avait alors répondu: « si c’était un concours de beauté ou de danse je ne me serais pas présentée, mais c’est un concours de chant, et la voix n’a que faire avec les apparences … Si vous avez deux oreilles pour écouter, et mieux encore, si vous écoutez avec votre cœur, vous verrez que je vaux ce que je vaux, et je n’ai rien à envier vocalement aux filles à la beauté standard que vous adulez . Tout le monde est joli à sa façon, car la beauté est dans le regard de celui qui regarde et de toute façon, on ne peut pas plaire à tout le monde ».
c’est un concours de chant, et la voix n’a que faire avec les apparences … Si vous avez deux oreilles pour écouter, et mieux encore, si vous écoutez avec votre cœur, vous verrez que je vaux ce que je vaux, et je n’ai rien à envier vocalement aux filles à la beauté standard que vous adulez
Maurena Hénosa
Cette dernière phrase, elle en a même fait son leitmotiv au quotidien, en sachant que l’effort fourni paie toujours, et la particularité physionomique n’empêche en rien d’atteindre ses objectifs et de réaliser ses rêves. Les propos de Maurena résonnent autant pour les femmes que pour les hommes puisque les stigmatisations liées au physique freinent aussi beaucoup d’hommes dans bon nombre de leurs initiatives.
Etudier, concourir et diriger une équipe constituée majoritairement d’hommes
Eliane Weddy Tombojery, directrice régionale de la jeunesse et des sports, quant à elle, a souligné que ce n’était pas toujours facile pour elle, mère célibataire, de diriger une équipe composée à majorité d’hommes, dont la plupart sont encore empreints d’un machisme viscéral et de subjectivité notoire par rapport à avoir une femme à la direction. Ayant suivi plusieurs axes de formations universitaires de haut niveau, en plus de sa capacité à diriger, Eliane Weddy n’a pourtant rien à envier aux hommes. Elle a donc sensibilisé les jeunes à changer de mentalité, de ne pas se laisser convaincre de la différence de capacité intellectuelle et de leadership homme-femme et d’être le levier de changement autour d’eux, afin qu’une réelle équité existe entre homme et femme. Que chacun puisse trouver sa juste place selon ses capacités et compétences et non pas par rapport au fait qu’il soit homme ou femme. La dernière intervenante, Rasoa Lucia de la direction régionale de la Culture de la région DIANA, maternelle par la force de l’âge a encouragé les jeunes à croire en eux, en racontant sont fabuleux parcours de combattante qui l’a emmenée de l’endroit reculé d’où elle venait, un vrai « ambanivolo » loin de toute civilisation conventionnelle, jusqu’en Allemagne, pays où, entre autres elle a passé ses études universitaires, après un rude concours ultra sélectif à Antananarivo. L’apparence physique n’est pas un handicap, l’appartenance au genre féminin n’est pas un handicap. Qu’il s’agisse d’homme ou de femme, le fait de travailler durement, de se donner à fond mène toujours à un résultat tangible. Même si la patience est amère, son fruit est doux… Ces lignes de pensées ressortaient dans chacun des propos des panelistes même si la façon de le dire différait d’une personne à une autre. Des propos qui disaient tout haut, ce que beaucoup pensaient déjà tout bas.
■ Luis.K