La réunion organisée par l'OSCIE et la CNPE sur l'exploitation de diamantoïde vert au fokontany d'Ankingabe s'est tenue à Antsakoamanondro
Le conflit entre Ruby Red et les exploitants informels installés à Ankingabe ne prend pas fin. Il représente un risque de perturbation sociale et la préservation de l’environnement est un point oublié. La société civile intervient
La tension était palpable à Antsakoamanondro ce 4 octobre. Dans une salle publique, l’Organisation de la Société Civile sur les Industries Extractives (OSCIE) et la Coalition Nationale de Plaidoyer Environnemental (CNPE) ont organisé une rencontre à laquelle des représentants de Ruby Red ainsi que des hommes, exploitant artisanalement (et dans l’informel) le diamantoïde vert dans la même zone, ont répondu présents.
La société Ruby Red Madagascar, avec son partenaire Prosperity Earth SARL, d’une part ; les exploitants artisanaux d’autre part, déclarent, chacune de son côté, avoir le droit d’extraire les pierres précieuses concernant un même périmètre. Ruby Red Madagascar détient les documents administratifs de tous types, les seconds annoncent avoir ce droit en toute légitimité puisqu’ils ont exploité les carrières de pierre depuis 2009. Les exploitants artisanaux sont membres d’associations. Bien que leur exploitation soit informelle, l’expulsion de ces miniers n’est pas la solution indiquée puisque cela engendrera de nouveaux problèmes sociaux.
L’OSCIE, en réalisant sa mission de médiation pour trouver une issue au litige, a invité toutes les parties concernées par cette exploitation à un même endroit, afin que chacune partage les informations en sa possession. La direction chargée des mines, dans la Région DIANA, le bureau du cadastre minier d’Antsiranana, l’Office National pour l’Environnement (ONE), le ministère de l’environnement et du développement durable, la Commune Rurale d’Antsakoamanondro ainsi que la société civile d’Ambanja et de la DIANA étaient représentés.
Un partage impossible ?
La possibilité pour les deux protagonistes de mener côte à côte leurs activités sur le périmètre, objet du conflit, a été discutée. Il s’agit, plus précisément, pour Ruby Red Madagascar, de céder une partie du périmètre qu’il exploite aux petits exploitants, membres d’associations. Les membres d’associations sont divisés. Tandis que certains tendent vers l’acceptation de cette proposition, la KFMVF18A, Kaoperativa fikambanan’ny mpitrandraka vato avy amin’ny foko 18 Antetezambato est loin d’être tentée. Des membres de cette association réclament purement et simplement que la société restitue le périmètre qui leur a été pris suite à l’obtention par Ruby Red Madagascar du permis d’exploitation.
Didi Andriantsoa, représentant de Prosperity Earth (partenaire de Ruby Red Madagascar), campe aussi sur une position «s’ils ne veulent pas entrer et exploiter cette partie que nous allons céder, nous allons la garder. S’ils acceptent, nous aurions besoin du nombre d’exploitants qui veulent y accéder et le nom de l’association». Ce qui impliquerait (en cas d’acceptation) la formalisation des associations et de l’accord.
La confiance en l’administration est ébranlée
Les exploitants artisanaux ont manifesté leur mécontentement vis-à-vis des autorités étatiques. Ils reprochent à ces dernières de ne pas considérer la communauté d’exploitants artisanaux dans leur prise de décision relative à ces activités d’extraction. « Pourquoi ne pas avoir pris en compte le fait que des milliers de personnes ont eu des activités sur ce périmètre, bien d’années avant que Ruby Red Madagascar ou autres compagnies n’aient obtenu leurs permis » lance François Nivobe, il est le président de la KFMVF18A. Jean Veloson, directeur du BCMM Antsiranana a rappelé qu’il est possible pour les exploitants artisanaux de se formaliser et par conséquent d’avoir le droit à ce que personne n’empiète sur le périmètre sur lequel un permis est obtenu.
La directrice interrégionale des mines et des ressources stratégiques, Hanitriniaina Rakotoalison explique quant à elle que l’Etat est du côté de ceux qui respectent la loi (en outre, du côté des sociétés qui ont obtenu leurs permis d’exploitation). Elle martèle que l’Etat promeut les investissements. Ces affirmations de la directrice interrégionale ont valu, un retour énergique de membres d’association. Un membre de KFMVF18A a averti que peu importe qui l’Etat soutient ou protège, il va reprendre la carrière de diamantoïde qu’il a exploité auparavant, quoi qu’il advienne.
Incompréhension autour du partenariat Ruby Red Madagascar – Prosperity Earth
Les exploitants artisanaux n’ont pas manqué de soulever le caractère douteux du partenariat entre Ruby Red Madagascar et Prosperity Earth. « Comment se fait-il que l’Etat délivre un permis d’exploitation à une société qui n’a même pas de matériel pour cela ? » demande un membre de la KFMVF18A. Le représentant de Ruby Red Madagascar avance en effet que cette société ne disposant pas de matériel pour l’extraction, il a été convenu entre les deux sociétés que Prosperity Earth apporte le matériel. Cet accord a été conclu en août 2018. La directrice interrégionale des mines et des ressources stratégiques d’Antsiranana soutient que l’octroi du permis d’exploitation n’est pas conditionné par la disponibilité de matériel. Dans sa présentation et en rappel aux recommandations émises dans le rapport de mission de contrôle et de suivi environnemental, Hajaridera Raoninjatovoherivonjy, de la direction de l’évaluation et suivi environnemental de l’ONE a souligné que Ruby Red Madagascar doit accélérer l’officialisation et l’enregistrement du partenariat entre cette société et Prosperity Earth au niveau de l’administration et aviser les parties concernées. Ce qui signifie donc que l’administration régionale et centrale ne sont, jusqu’ici informées de l’existence de ce partenariat, bien que les machines aient été mises en service depuis août 2018.
Attente particulière pour un apport au développement et à la préservation des mangroves
Outre les questions de légalité ou de légitimité que chaque partie évoque et les conflits qui en découlent, la population et l’environnement (notamment les mangroves) paient une lourde tribu de ces deux types d’extraction. Le secrétaire exécutif de l’Organisation de la Société Civile sur les Industries Extractives, Clément Rabenandrasana interpelle « l’extraction de diamantoïde existe depuis plusieurs années dans cette région, mais n’a rien apporté en matière de développement à Antsakoamanondro ». Ruby Red Madagascar rapporte les quelques actions sociales entreprises dans la Commune Rurale d’Antsakomanondro, mais comme l’exploitation n’a pas d’impacts économiques directs sur les communautés riveraines, elles ne semblent être touchées outre mesure.
Par ailleurs, aux journalistes du réseau Malina, la coordinatrice de l’ONG Blue Ventures à Ambanja informe que lorsque cette ONG a tiré la sonnette d’alarme en 2013, une perte de surface de mangrove équivalente à 70% de la surface pré-exploitation dans la commune rurale d’Antsakoamanondro a été enregistrée. La situation des mangroves n’a pas tellement intéressée les deux parties au conflit (les deux sociétés et les petits exploitants) lors de cette réunion.
Suite à cette réunion à Antsakoamanondro, le secrétaire exécutif de l’OSCIE explique que la société civile approfondira les négociations auprès des parties concernées pour trouver un terrain d’entente sur la cession de parcelles aux petits exploitants. En concertation avec l'ONE, la société civile portera une attention plus appuyée sur les questions environnementales. Elle suit d'ailleurs, de près, les activités socio-économiques de Ruby Red Madagascar.
■ V.M