Une enquête de base auprès de 32 Communes de la SAVA, sur le taux de prévalence du travail des enfants dans la filière vanille est en cours de réalisation
La production de vanille n’est certainement pas la filière qui fait travailler le plus d’enfants à Madagascar, cependant si rien n’est fait, le problème risque de s’étendre et les conséquences risquent d’être désastreuses autant pour l’avenir des enfants travailleurs que pour la filière
A Madagascar, la participation des enfants dans les activités de champs est considérée par la plupart des agriculteurs comme une nécessité, puisqu’elle est la manière la plus pratique et la plus efficace pour transmettre les connaissances. Il faut néanmoins marquer la limite entre participation pour transmission des connaissances et travail des enfants puisqu’en travaillant, l’instruction et l’éducation de ces enfants se retrouvent interrompues. Par ailleurs, des pays importateurs de produits agricoles (dont les épices) portent une attention particulière sur le mode de travail et l’implication des enfants dans la chaîne de production peut entacher les échanges commerciaux.
Pour que le travail des enfants ne gagne pas du terrain et pour prévenir l’enrôlement d’autres enfants dans la filière, le bureau du pays de l’OIT pour Madagascar, les Comores, Maurice et Seychelles avec Sustainable Vanilla Initiative mettent en œuvre le projet SAVABE. SAVABE ou Soutenir les Acteurs de la Vanille Au Bénéfice des Enfants, vise à améliorer de façon pérenne les conditions de vie des communautés productrices de la vanille, en s’assurant qu’il n’y ait pas de travail des enfants.
Interview de Jean-Pierre Singa Boyenge, directeur de projet OIT/SAVABE
L’effectif d’enfants qui travaillent dans la filière vanille est-il si important pour qu'il faudrait s’alarmer ?
Qu’il y ait deux, trois ou mille enfants qui travaillent, c’est déjà de trop. Il faut l’éradiquer et justement s’il y en a deux, la solution est beaucoup plus facile pour commencer à prévenir. S’il y en a mille, elle devient plus difficile. Mais, il faut le dire, il y a travail des enfants dans la filière vanille. Ce n’est pas la filière qui utilise le plus d’enfants à Madagascar, mais il y a un problème. Et ce problème peut faire que la filière vanille va perdre son marché parce que pour l’instant, elle est sur la liste d’observation des Etats-Unis. Les Etats-Unis achètent 70% de la vanille malgache. C’est beaucoup, et ce sera un manque à gagner, si demain cette situation perdure, Madagascar risque d’entrer dans la liste noire et cela est dangereux. Cela signifie qu’il y a une perte de clients. Ils vont aller dans les pays concurrents. Il faut prévenir et éradiquer le problème dès maintenant, pour que Madagascar garde sa place de premier producteur de vanille et en plus d’une vanille de qualité.
Y a-t-il une raison spécifique au fait que des enfants se retrouvent enrôlés dans la chaîne d'approvisionnement de la filière vanille?
La raison la plus couramment avancée est la pauvreté. Mais il y a d’autres raisons. Je pense que la mentalité change, le monde évolue. D’après certains producteurs, ils interdisent à leurs enfants de travailler, mais dès l’âge de 14 ans, les enfants estiment qu’ils sont adultes et pensent qu’ils peuvent tout faire et ne peuvent être contrôlés. Certes la pauvreté est une raison, mais elle ne justifie pas tout.
Les gens (les producteurs) cherchent-ils une solution au problème que pose le travail des enfants ?
De plus en de producteurs rapportent le travail des enfants. Certains ne veulent pas le dire et le cachent. Mais les langues se délient. Certains producteurs ne veulent pas fermer les yeux là-dessus. Ils en parlent pour trouver des solutions, ils veulent que leurs enfants aillent à l’école. Et pour cela, il faut trouver des solutions ensemble, sinon la situation va perdurer et va créer un éclatement. Si le problème devient plus difficile, il faudra plus de temps pour le résoudre. Lorsque le problème est nouveau, il y a une facilité de trouver des solutions rapidement. Il faut prévenir surtout car guérir prend plus de temps.
A quel niveau de la chaîne d’approvisionnement, il y a le plus d’enfants travailleurs ?
Je n’ai pas envie de cibler une chaîne précise, mais il faut le dire, on a déjà trouvé des enfants chez les producteurs, chez les collecteurs, chez les préparateurs et chez les exportateurs. Dire qu’un certain niveau de la chaîne emploie plus d’enfants que d’autres, je pense que vous trouveriez cela dans le document qui va sortir. Pour l’instant, je ne peux pas dire quel niveau de la chaîne emploie le plus d’enfants.
A savoir sur le projet OIT/SAVABE
Le projet SAVABE est financé par l’USDOL, le département américain du Travail, à hauteur de 4 millions de dollars.
Le projet renforce les capacités du gouvernement à appliquer les lois et les politiques régissant le travail des enfants; travailler avec la filière vanille pour mettre en œuvre le Code de conduite des producteurs de vanille; à sensibiliser la communauté aux droits de l'enfant et au travail des enfants et promouvoir les services d’appui au moyens de subsistance des ménages dans la région.
Quatre résultats à long terme sont attendus :
- Les exportateurs, les collecteurs et les préparateurs de vanille réduisent de manière significative le travail des enfants à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement de la filière vanille dans la région SAVA ;
- Les responsables de l’application des lois et de la protection de l’enfance appliquent les lois et les politiques relatives au travail des enfants et veillent aux soins des victimes dans les zones productrices de vanille de la région SAVA ;
- Les membres de la communauté surveillent le travail des enfants et orientent les victimes du travail des enfants vers les autorités et les services compétents ;
- Les ménages bénéficiaires n’utilisent plus le travail des enfants pour compléter leur revenu.
Le projet intervient auprès de 10 Communes du district de Sambava, 9 Communes d’Antalaha, 4 communes de Vohémar et 9 d’Andapa.
Le projet cible 15 000 ménages et 450 enfants, l’objectif étant, pour les premiers, l’amélioration de leurs moyens de subsistance et la réinsertion socio-professionnelle pour les seconds.
Une enquête de base auprès de ces 32 Communes, sur le taux de prévalence du travail des enfants dans la filière vanille est en cours de réalisation. Les résultats seront diffusés dans le courant de l’année 2020.
Le secteur de la vanille est le second pourvoyeur de devises pour Madagascar. Il représente 80% de la production mondiale. 70% de la production de vanille de Madagascar est exportée vers les Etats-Unis. Source : INSTAT 2018
■ V.M