D'après les sondages, 32% des femmes donnent raison aux hommes qui battent ou maltraitent leurs épouses, en estimant qu'il est simplement nécessaire de donner des coups ou parce que certaines l'« ont bien mérité »
« Mon mari m'a juré qu'il ne me frapperait plus jamais » raconte Edwige « mais pas une semaine ne s'est écoulée sans qu'il ne se remette à me taper dessus » poursuit-elle...
Mme Razafindrazily Zananesy, superviseur de projet au sein du Centre d'Ecoute et de Conseils Juridiques d'Antsiranana, inauguré le 9 décembre dernier, explique : « les femmes ne connaissent pas leurs droits et sont sous l'influence de la tradition ». Du mois de novembre au mois de décembre 2011, le CECJ a reçu quarante personnes : dix ont eu besoin de conseil et d'orientation, trente ont été victimes de violence. La plupart sont des jeunes femmes, des personnes âgées de plus de 55 ans, des étrangères et des personnes handicapées. Mais les chiffres tant au niveau national qu'au niveau de Diego Suarez ne sont guère représentatifs : il est notoire que la plupart des victimes préfèrent garder le silence, en particulier les femmes. « Ce silence a de nombreuses explications » nous dit Mme Zananesy : « le manque ou l'absence de ressources financières qui permettent à la femme de subvenir seule à ses besoins et éventuellement à ses enfants, l'ignorance car il arrive que la femme ne sache pas qu'elle a le droit de porter plainte et d'ester en justice, la tradition et l'éducation « ny tokatrano fihafiana, fifandeferana… » (Il faut supporter, il faut savoir tolérer) ». Le rejet de la famille est aussi un obstacle, il arrive en effet que les proches rejettent la femme après une séparation, car ils estiment qu'elle devient alors une honte et une charge pour la société. Pour faire sortir ces femmes de leur silence et les informer de leurs droits, le CECJ utilise des émissions radiophoniques tous les mardis et vendredi sur Radio Varatraza et Radio Faniry.
Un centre à l'écoute des victimes de violences conjugales
Comme son nom l'indique le CECJ se charge de l'écoute et des conseils juridiques des victimes de violences conjugales. Ainsi en cas de violence, une assistante sociale prend en charge la victime, l'écoute pour comprendre la situation. D'autres intervenants et juristes prennent ensuite la relève pour l'orienter sur les recours ou les actions à entreprendre. Il arrive que le conjoint violent soit convoqué pour établir un dialogue, pour le conseiller ou pour l'informer des droits de son épouse. Mais le CECJ n'a pas de force répressive. Il a un simple rôle de conciliation et de coordination. Pour la prise en charge des victimes, le CECJ collabore avec la police judiciaire et le dispensaire de Tanambao.
A Antsiranana comme partout à Madagascar, les éléments statistiques qui permettent de connaître l'étendue du problème manquent encore. Les lois qui prévoient et punissent la violence envers la femme existent, mais leur application est rare. La loi du silence lie les femmes ; la société veut encore souvent que l'on règle ce genre de problème selon le fihavanana ou « à l'amiable » et cela va jusqu'aux arrangements à la suite d'un viol sur un enfant. Les textes existants ne suffisent pas à dissuader délinquants et criminels qui continuent à agir en toute impunité. S'ajoute à cela le vide au niveau des textes malgaches en ce qui concerne la violence psychologique ou morale infligée aux femmes.
Mais combien de femmes et combien d'hommes connaissent vraiment ce qu'est la violence envers la femme ?
L'Organisation des Nations Unies définit la violence à l'égard des femmes comme « tous les actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté. » La violence peut en effet prendre diverses formes : violence sexuelle, psychologique, physique, économique… Ainsi est déjà violence ou exploitation financière le fait de dépenser tous les revenus familiaux, son argent et son épargne, de l'empêcher de voir un médecin ou un dentiste. Textuellement, de tels actes ne peuvent être justifiés ou excusés.
Pourtant certains hommes avec qui nous avons eu l'occasion de discuter nous racontent que la plupart des femmes du Nord se battent comme des hommes « elles n'ont pas peur de nous… » nous dit Richard, qui nous raconte en riant la fois où il s'est enfui de chez lui parce que sa femme l'a chassé à coups de balai. « Elles ne nous donnent pas l'occasion de nous expliquer, elles veulent seulement avoir raison » poursuit-il.
Pour les deux sexes, la loi malgache n°2000-21 du 28 novembre 2000 stipule qu'en cas de violence conjugale ou familiale, l'auteur de tels faits est passible de deux à cinq ans d'emprisonnement.
Le numéro vert 147 est à contacter en cas de violences conjugales ou à l'égard d'enfants.
Le CECJ se trouve près du parcage Ramena, en face de la Direction Régionale de la Police Nationale, et est ouvert du lundi au samedi, de la matinée au début de la soirée.
■ V.M.
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