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Catégorie : Société
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Femmes de Madagascar
Femmes de Madagascar

« L'autonomisation des femmes rurales et leur rôle dans l'éradication de la pauvreté et de la faim, le développement et les défis actuels »: c'est le thème de la Journée Internationale de la Femme, célébrée le 8 mars 2012. Mais si les estimations de l'ONU montrent qu'une responsabilisation accrue des femmes pourrait augmenter les récoltes de leurs exploitations agricoles de 20 à 30%, permettant de sortir de la famine de 100 à 150 millions de personnes, qu'en est il à Madagascar ?

A l'heure actuelle, on entend partout et même par ceux qui cherchent une solution à la crise frappant la Grande Île que les malgaches en ont assez de la politique. « Ry vehivavy ! sahia mandray anjara feno amin'ny raharaham-pirenena ho fampandrosoana maharitra » tel est le thème de la journée mondiale de la femme cette année. Un thème qui exhorte la femme à mener des actions dans les affaires publiques, pour le développement de son pays. A ne plus être derrière ces « grands hommes » qui réussissent ni derrière ceux qui échouent.

Dans un bus qui va vers la SCAMA. Une femme est debout avec trois hommes, s'agrippant aux sièges pour ne pas tomber tout en serrant entre ses pieds son panier de provision. L'un des trois hommes interpelle un autre qui est assis pour donner sa place à la dame. Mais celui-ci proteste catégoriquement en avançant « elles luttent pour avoir les mêmes droits que nous, alors qu'elle reste débout comme vous trois et moi je garde ma place, c'est mon droit ». Des discours de ce type sont entendu à chaque occasion qui se présente : prononcés avec ironie tout en maintenant volontairement une confusion entre droit, politesse et galanterie. Nous pouvons transposer cette manière de penser à la réalité politique et économique du pays quant à la participation de la femme au développement, mais cette fois en mélangeant : droit, compétence, vulnérabilité et faiblesse. Ce qu'on peut dire c'est qu'actuellement, mises à part quelques rares exceptions, le monde professionnel, entrepreneurial et politique malgaches accueillent encore les femmes à la façon d'Hippocrate cinq siècles avant Jésus-Christ : « Tota mulier in utero » ou « toute la femme est dans l'utérus ». Les menstruations, la grossesse, l'accouchement contribuent à l'affaiblissement de la femme impliquant un état psychologique et émotionnel inapproprié voire nuisible à l'Administration et à l'entreprise.
Que faut-il donc faire puisqu'on encourage maintenant les femmes à s'impliquer davantage pour le développement durable de ce pays ? Ces femmes trop sensibles et de plus, ces femmes malgaches longtemps soumises et obéissantes, mais que l'on veut transformer en leader. Il faut en effet être réaliste, encourager ces quelques femmes qui ont réussi à accéder à des sièges au sein de l'exécutif ou du législatif n'est certainement pas suffisant pour contribuer au développement du pays. Dans les pays développés et les nouvelles puissances économiques, la majorité des femmes sont convaincues de l'importance de leur rôle dans le développement socio-économique de leur pays et s'y impliquent activement. A Madagascar, « survivre » est le seul mot qui résonne dans la tête de la majorité des femmes. Les femmes et associations qui s'intéressent vraiment à leur droit et à l'avenir de la Grande Île ne sont pas nombreuses. Par conséquent, les femmes qui cherchent seulement à survivre deviennent les victimes des hommes qui ne comprennent pas ce qu'égalité de droit veut dire et donc indirectement et intentionnellement elles deviennent les victimes de la lutte pour cette égalité.

à Madagascar, une femme qui parle (qui ose) est une « poule qui chante », akohovavy maneno ce qui signifie qu'elle va au-delà de ce qu'on lui a accordé de faire

Il faut savoir aussi qu'à Madagascar, une femme qui parle (qui ose) est une « poule qui chante », akohovavy maneno ce qui signifie qu'elle va au-delà de ce qu'on lui a accordé de faire. Et d'ailleurs, les textes malgaches ne prédestinent-ils pas la femme à «  suivre et obéir » l'homme. En effet, l'ordonnance n°62-089 du 1er octobre 1962 relative au mariage prévoit dans son article 53 que le mari est le chef de famille et que la femme « concourt » à la direction morale et matérielle de la famille et à élever les enfants. Disposition que l'officier d'état civil a l'obligation de rappeler lors du mariage civil. Si le droit français, qui influence jusqu'à aujourd'hui le droit malgache, a modifié depuis les années 1960 cette disposition, allant jusqu'à supprimer le terme « chef » pour le principe de l'égalité des sexes (loi du 04 juin 1970). Il n'en est rien de l'ordonnance malgache sur le mariage et pourtant l'éducation des enfants et la tenue de la résidence principale (dont le choix revient principalement au mari) incombent pratiquement à la femme.

Des femmes malgaches, pas toutes, luttent pour l'égalité des droits et veulent certainement participer au développement, mais on ne sait quelle est la garantie de l'autre : est-ce l'égalité des droits qui apporte le développement ou c'est le développement qui garantit l'égalité des droits?
Quelle est alors l'attitude qu'une femme malgache doit adopter pour participer à l'administration et au développement de l'île ? Adopter les comportements politiques masculins pour se faire entendre et obéir ou gouverner en respectant sa nature et en appliquant ce qui a été appris dans les universités ou en formation.

Depuis des siècles, Madagascar a connu des souveraines, pas de même nombre que les rois, mais elles ont marqué l'histoire de l'île : les trois Ranavalona de l'Imerina entre autres, Ravahiny des Sakalava Boeny, Tsiomeko des Sakalava Bemihisatra, Betty des Betsimisaraka… Avec l'indépendance et avant que la situation économique du pays n'ait commencé à se détériorer, l'homme et la femme avaient en général leur rôle respectif : la femme éduque et élève les enfants, l'homme rapporte l'argent au foyer. Ainsi lorsque les bébés pleurent ou les enfants mal élevés, c'est la mère qui est montrée du doigt. Et si mère et enfants ne mangent pas à leur faim, c'est le père que l'on blâme. Tout cela fait que la scolarisation des filles a été peu à peu négligée et les femmes écartées du pouvoir : déficit de connaissance, domination masculine. Plus tard lorsque le besoin de travailler chez la femme a été ressenti et répondu, surtout avec les différentes crises économiques par lesquelles le pays est passé ainsi que les difficultés financières des ménages, les responsabilités au lieu d'être partagées ont été doublées chez la femme. Ainsi si pour l'homme malgache le courant de la vie ressemble un peu

à l'horizon de 2015, 50% des postes de décision que ce soit dans le secteur public ou privé seraient occupés par des femmes

à la routine des Occidentaux « métro-boulot-dodo », celle de la femme est plus longue puisque dans de nombreux cas il faut ajouter le ménage, la préparation des repas, les soins à prodiguer aux enfants et à l'époux… Et même si elle se fait aider par des employés ou par le mari, une femme est, par nature, plus attachée au bon déroulement de la vie de famille et donc à ses obligations au sein du foyer. Ces nombreuses responsabilités si elles ont effectivement affaiblies certaines femmes, ont donné à d'autres la soif d'évoluer encore plus dans le domaine professionnel et aspirer à des rôles politiques. Viennent aussi les fonctions attribuées et/ou qu'elles s'attribuent dans les actions sociales et humanitaires. Jusqu'à aujourd'hui, les femmes malgaches marchent encore lentement vers l'objectif que la Southern African Development Community, SADC a posé et que Madagascar a ratifié : à l'horizon de 2015, 50% des postes de décision que ce soit dans le secteur public ou privé seraient occupés par des femmes.
■ V.M