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Les hommes appelés au secours!

La journée de la femme fêtée le 8 mars dernier, a vu des milliers d’Antsiranaises défiler en ville. Leur première revendication n’est cependant pas la conquête de droits nouveaux. Elles supplient surtout les hommes de revenir au foyer...Enquête

En cette journée mondiale de la femme, fêtée le 8 mars dernier, à Antsiranana, les quelques discours officiels tenus place de la mairie ont été ceux du monde entier: «la femme a conquis l’égalité des droits, celui de voter, de travailler; de participer à la vie politique; elle doit à présent se battre pour les exercer et continuer de s’émanciper». Une réplique plus ou moins fidèle des discours tenus en Occident et relayés à Madagascar par une partie de l’élite intellectuelle féminine.
Pourtant, un petit tour d’horizon des états d’âme de la femme antsiranaise révèle bien d’autres soucis. Il est peu dire que l’émancipation n’est pas vraiment sa préoccupation,d’autant que dans le nord de Madagascar, la femme bénéficiait déjà de droits exceptionnels (cf ci dessous).
Non, aujourd’hui, les femmes d’Antsiranana se sentent surtout... désespérément seules. Seules avec leurs droits, chargées en outre de tous les devoirs. «Nous avons tout à faire: les enfants, le travail, la maison», assure l’une des ‘manifestantes’. «et très souvent nous sommes toutes seules pour accomplir cela!». Pourquoi? «Parce que la plupart d’entre nous, vivent seules, sans mari!», s’exclame-telle, avec l’approbation de tout le groupe de femmes l’entourant.
L’instabilité des couples à Antsiranana fait partie de l’histoire de la ville. Selon l’enquête ‘démograhie et santé’ de 2003-2004, on n’enregistre que 58 pc de couples stables, un chiffre qui la situe nettement en dessous de la moyenne nationale. Depuis lors, on peut sans risque parier que cela n’a pas changé, sauf pour s’aggraver.
D’autres statistiques plus anciennes encore (1993) réalisées par INSTAT assurent que 33,10 pc des ménages étaient dirigés par des femmes seules, -un autre chiffre dont l’histoire récente de la ville n’a pas du inverser la tendance...
Souvent seules pour gérer les enfants et ramener de quoi manger au foyer, les femmes antsiranaises ne demandent aujourd’hui donc qu’une seule chose: que les hommes reviennent au foyer et prennent leur part de reponsabilités, notamment dans l’éducation des enfants. Selon la même étude ‘démographie et santé’, 17 pc des femmes trouveraient meme normal de se faire battre par leur mari s’il considère que les enfants sont mal éduqués et 10,6 pc si le repas est brulé...! Mais le problème, c’est qu’il n’y a ..plus de mains pour tenir le bâton. «C’est surtout les enfants qui souffrent aujourd’hui. Les femmes ont du mal avec leurs fils qui ne leur obéissent pas. Mais à présent, elles n’arrivent plus à tenir leurs filles. Et si on ne maitrise plus les filles, la situation va encore s’aggraver », témoigne une autre dame, remontée comme une mécanique contre cette situation déplorable. Les raisons qui expliquent cette situation ‘déplorable’ selon les termes de la dame, sont nombreuses et parfois contradictoires.
La première et la plus incontestable est liée à l’urbanisation. Là où la famille élargie venait adoucir les effets de l’instabilité des couples, en prenant en charge les enfants issus de ces unions de courte durée , en ville les femmes se retrouvent seules à gérer leur progéniture. La prise en charge des enfants par la famille est souvent devenue impossible, car les grands parents sont au village et les autres membres sont éclatés et préoccupés de leur propre survie. Une situation qui a notamment pour effet d’engorger les tribunaux de demandes de pensions alimentaires faites par les femmes, alors que autrefois c’est le famille élargie qui prenait spontanément en charge le poids financier de l’enfant.
Mais une autre explication est avancée, notamment par Cassam Aly, responsable du musée régional de la culture à Antsiranana. «La ville a été le fruit d’un métissage énorme. Or ce métissage engendre parfois une perte de repères. Certains se réfèrent à des valeurs traditionnelles, d’autres musulmanes; d’autres sont sous l’influence occidentale...Personne n’est d’accord et cela accentue la séparation des couples et l’abandon des enfants à leur sort».
Enfin, les femmes ne sont pas sans responsabilités dans cette situation qu’elles jugent ellesmemes ‘déplorable’. Aussi volages et inconstantes que les hommes, elles n’hésitent pas à échanger un plus riche contre un plus pauvre, celui qui a un 4X4 contre celui qui n’a qu’un zébu et enfin, celui qui peut la faire partir en Europe contre celui qui lui propose un séjour à durée indeterminée en terre natale...

Finengo M.


Les femmes du nord avaient des droits exceptionnels


Fatima Achimo a 79 ans. Enseignante, première femme sénatrice de Madagascar, ministre de la protection de l’enfance sous le gouvernement Tsiranana, elle a le recul et le savoir des anciens pour raconter quel était le rôle traditionnel de la femme dans le nord de Madagascar. Interview. Fatima Achimo : La femme et l’homme dans la société traditionnelle du nord de l’île avaient des droits et des devoirs assez égaux. L’homme travaillait dans les champs et s’occupait du bétail, tandis que la femme était en charge de la maison et des enfants. Les jeunes gens étaient souvent mariés après arrangement entre deux familles. Le régime du mariage était celui de la séparation des biens. Les jeunes gens se soumettaient à cet arrangement, mais chose rare, la jeune fille qui n’était pas satisfaite du mariage, pouvait après un an d’ « essai », rompre les liens et retourner vivre dans sa famille. Cet état était appelé Miombiky, ce qui veut dire « fâchée ». La possibilité pour la jeune fille de se libérer des liens du mariage coutumier, tout en restant en accord avec la tradition, a favorisé la création à Antsiranana d’une ville métissée. En effet, la ville construite par des Français, mais aussi des Yéménites ou des Comoriens, s’est vite peuplée d’enfants métis, issus de la rencontre entre des jeunes filles Antakarana et des étrangers.-Les femmes avaient donc des droits exceptionnels dans le domaine conjugal.
Mais les hommes avaient aussi la possibilité de rompre les liens du mariage… Fatima Achimo : Les hommes avaient le droit de prendre plusieurs épouses. La première était appelée Vadibe, la seconde Vadimasay et tant que la pratique esclavagiste n’était pas abolie, l’homme pouvait également épouser son esclave. Il devait seulement veiller à pouvoir les entretenir. Ceci dit, un témoignage datant du 18 siècle, atteste qu’en raison du manque d’hommes à l’époque, certaines femmes pratiquaient également la polygamie, en épousant plusieurs frères.

-Dans la vie sociale, il semble que la femme du nord de Madagascar ait également bénéficié de droits importants, puisque certaines sont devenues reines…
Fatima Achimo : Oui, parfaitement. A Nosy be, il y a eu plusieurs reines, notamment Tsiomeko, qui veut dire ‘je ne donne pas’. Cette reine a refusé de céder le pouvoir qui lui revenait. Elle n’avait alors que 8 ans. Une autre reine célèbre est Tsiresy, ce qui signifie, « celle qu’on ne peut pas battre ». Elle a régné chez les Sakalava Bemazava d’Ambanje, à partir de 1851. Les femmes avaient donc le droit d’être reine et certaines ont su s’imposer !

-Peut on dire qu’il s’agit d’une société matriarcale ?
Fatima Achimo : Non. La société, même si elle reconnaissait beaucoup de droits à la femme, était d’abord régie par les hommes dans le foyer comme à l’extérieur du foyer. D’ailleurs, à l’époque, lors d’un divorce, les enfants allaient normalement dans la famille de l’homme, non de la femme.

Propos recueillis par Finengo M.

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