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Catégorie : Société
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Les médicaments contrefaits ou vendus au détail
Les médicaments contrefaits ou vendus au détail

Sur la Grande Île, nombreux sont les droits censés être acquis aux citoyens qui sont ignorés, avec les risques pour le porte monnaie, mais aussi la santé, que cela entraîne. Heureusement, des associations de défense existent.

A Antsiranana, à l'image des autres régions, l'anarchie règne dans les marchés. Usagers et consommateurs côtoient chaque jour les produits périmés, de contrefaçons, la concurrence déloyale, spéculation, hausse inexpliquée des prix, etc. Des associations pour la défense des consommateurs existent, elles sont très sollicitées mais ne sont pas souvent en mesure de répondre aux attentes de tous.

Les consommateurs, entre arnaques, fraudes et intermédiaires informels.

Les consommateurs s'adaptent à des situations « anormales » au détriment de leurs droits. Tout achat, principalement de denrées alimentaires, se fait en toute vigilance. Les contrôleurs du ministère du commerce effectuent des descentes sur terrain aboutissant à la destruction par le feu des tonnes de produits périmés. Mais force est de constater que la plupart du temps, les consommateurs subissent en silence les exactions et les infractions pourtant flagrantes. Cependant, il arrive parfois que les réactions des consommateurs indignés soient violentes : actes de vandalisme sur des magasins, des infrastructures publiques, le feu sur des véhicules de transport public…
Sans forcément s'en rendre compte les consommateurs et usagers d'Antsiranana sortent presque toujours perdants dans tous les types de transaction qu'ils entreprennent quotidiennement : de l'achat d'un verre de sirop (dont on ne sait d'où vient la poudre mélangée avec l'eau) au transport public et à la fourniture d'eau et d'électricité. En ce qui concerne le transport terrestre, l'on ne peut que regretter l'attitude des voyageurs qui s'arrangent entre eux dans un véhicule déjà surchargé pour donner raison aux transporteurs qui ne cherchent qu'à gagner encore plus de bénéfices au détriment du confort et de la sécurité de leurs malheureux clients. N'entend-t-on pas régulièrement dans les bus et taxi-brousses « serrons-nous un peu pour que les autres puissent entrer, nous avons tous hâte de rentrer chez nous… ou mettez-vous sur mes genoux, je ne vais pas tarder à descendre et vous pourrez vous asseoir » etc.
Les enfants sont ceux qui sont les plus exposés au danger des produits issus de fraudes et de contrefaçons. Des goûters à moindre prix, qui ne sont pas convenablement emballés et sont vendus à même le sol, exposés au soleil et à la poussière, parfois même périmés. Ce sont les prix proposés qui attirent enfants et parents. Le danger ne concerne pas seulement la nourriture, il touche également les jouets et les couches jetables avec des étiquettes aux langues incompréhensibles voire illisibles.

Le mpanera, si couteux intermédiaire informel.

Au quotidien, les Antsiranais sont habitués aux intermédiaires informels : les mpanera (rabatteurs). Pour trouver un logement à Antsiranana, les surnoms ou prénoms de quelques intermédiaires, mpanera bien connus, reviennent souvent. Ce sont en effet eux qui par leurs réseaux d'informations connaissent les différents mouvements en ville : emménagements et déménagements. Ils entrent en contact avec les propriétaires qui ne cherchent que des locataires fiables. Cependant, l'on ne sait sur quels critères ils basent leurs commissions, mais souvent le nouveau locataire, avant d'emménager doit payer le mpanera aux environs de 50% du loyer mensuel (au minimum). Avec les taxi-brousses par contre, ce sont les chauffeurs qui payent le mpanera selon le nombre de clients qu'il a rapporté, d'où les bousculades et diverses insultes que doivent subir les consommateurs des représentants de cette profession dont la satisfaction des clients n'est pas la première des préoccupations.
Au niveau de la santé publique, les conditions dans lesquelles sont vendues les médicaments sont souvent douteuses : épiceries, en plein air et sans leurs plaquettes et boîtes d'origine, c'est à dire trop souvent sans la notice avec les recommandations pourtant indispensables à la sécurité des consommateurs. Le bracelet avec hologramme « Power balance » est actuellement l'objet de tous les critiques et les journaux parlent de « l'arnaque du siècle ». Il y a un an l'agence des médicaments de Madagascar, l'ordre national des pharmaciens et le syndicat des pharmaciens de Madagascar ont attiré l'attention de l'opinion publique par un communiqué de presse sur le fait que « vente exclusive en pharmacie » ne signifie pas que le corps pharmaceutique cautionne le produit comportant cette mention. Le 20 mai, le Ministère de la Santé Publique a rappelé que selon l'article 152 de la loi 2011/002 du 15 juillet 2011 portant Code de la Santé, la publicité des appareils médicaux est interdite en l'absence de preuves sur leurs bienfaits.  Ces rappels ont été effectués suite aux appels de consommateurs et d'associations de consommateurs. Nul n'est sans savoir qu'en effet, de nombreuses pharmacies sont tombées dans le piège malgré de nombreux avertissements, lancés notamment sur internet, et ont collaboré avec la société qui a mis en vente le fameux bracelet à Madagascar. Les publicités passaient en boucle dans les médias, un bracelet était vendu entre 20 000 et 30 000 Ariary. Il a été avancé dans ces publicités que grâce à la technologie holographique « Power balance booste l'énergie, équilibre la tension artérielle, amincit, agit contre le diabète, améliore la mémoire, la musculature et les facultés visuelles ». La relation entre le bracelet et l'amélioration de l'état de santé de celui qui le porte n'a bien évidemment jamais pu être établie. La mesure prise par le ministère devant ce constat est donc l'interdiction pure et simple de toute publicité concernant ce produit.

ASCONORD et RNDC pour la défense des droits des consommateurs à Antsiranana.

En 1998, une organisation de la société civile a vu le jour, le Réseau National de Défense des Consommateurs, œuvrant dans le domaine de la représentation, de l'éducation, de l'information et de l'accompagnement des consommateurs ainsi que la protection de leurs droits et des intérêts économiques. C'est dans le cadre de la mise en place de l'antenne de SERA (Sehatra sy Rafitra ho an'ny Asa tanana) au CITE Antsiranana que le président et le secrétaire général du RNDC présentaient ce réseau, ses objectifs et sa vision aux artisans et associations venus assister à l'évènement. Un rapprochement a été fait entre défense des droits des consommateurs et la promotion de l'artisanat mise en œuvre par le CITE et le GRET à travers le projet SERA. La citation « Nous sommes tous des consommateurs » de J.F Kennedy dans son discours sur la présentation de sa politique de consommation en 1962 est reprise par RNDC dans ses actions de défense des droits des consommateurs. Le président du réseau a expliqué « les artisans sont consommateurs de matières premières, de plus RNDC promeut le patriotisme économique ». Un protocole d'accord a par ailleurs été signé par le réseau national de défense des consommateurs avec le Syndicat des Industries de Madagascar, le Groupement des Entreprises de Madagascar et le FIVPAMA (groupement du patronat malgache) pour la promotion de la consommation du Vita Malagasy (fabrication malgache). Les actions du RNDC sont aussi orientées vers la promotion de la concurrence, la contribution à la normalisation et la propagation de l'idée consumériste à Madagascar. Un réseau local sera installé au CITE pour Antsiranana et l'association des consommateurs et la plateforme des sociétés civiles de Diego Suarez seront dynamisées.
A Antsiranana c'est l'association des consommateurs et usagers du Nord ou ASCONORD qui défend comme elle peut les consommateurs depuis sa création en 2001. Son objectif est la promotion et la coordination de toute action visant la protection de l'intérêt des consommateurs. Le président d'ASCONORD, Rabarison Ernest a affirmé que depuis la création de l'association, des actions ont été menées avec la direction régionale du commerce, mais même si elle est très sollicitée par les consommateurs victimes, ses actions sont limitées par l'attitude de certaines autorités qui considèrent que les interpellations de l'association sont « anti-économiques » ou par la peur des plaignants qui reculent dès qu'il s'agit de témoigner ou d'élaborer un dossier. ASCONORD est en effet organisée en plusieurs commissions : médicale, juridique, PPN, eau et électricité…
Un immense travail reste donc à faire dans ce domaine, qui ne sera possible qu'avec la participation massive de tous les citoyens à leur propre défense, et pour le confort et la sécurité de tous -producteurs et commerçant compris.

■ V.M