Elle se faufile en zigzaguant sur le sol au moment où l'on s'y attend le moins, certains la retrouvent même sous les draps ou dans la serviette. Elle est de couleur sombre, a de nombreuses pattes et elle est vénéneuse. Qui ne sursauterait pas en apercevant une scolopendre ?
Pour mieux connaître cet animal que l'on rencontre très souvent à Diego, nous avons posé quelques questions à Radosoa A. Andrianaivoarivelo, chercheur biologiste et doctorant à l'université de Rennes 1 et à la faculté des Sciences de l'université d'Antananarivo.
Interview…
La Tribune de Diego : On confond souvent mille-pattes et scolopendre, comment reconnaît-on une scolopendre ?
Radosoa A. : En effet, les scolopendres et les mille-pattes se ressemblent, leurs corps sont constitués de nombreux segments et ils ont tous les deux plusieurs pattes. En fait, avant de parvenir à maturité, les scolopendres et les mille-pattes muent de nombreuses fois et à chaque mutation, il y a de nouveaux segments et de nouvelles pattes. Ces mutations s'opèrent en au moins un an. Les mille-pattes, tout comme les scolopendres peuvent vivre jusqu'à sept ans.
Ce qui nous permet de savoir rapidement à quoi on a affaire c'est quand ils sentent une menace : si les scolopendres s'enfuient et se cachent dans un lieu sombre, les mille-pattes se replient sur eux-mêmes et attendent que le danger passe pour se déplier.
Le corps d'un mille-pattes est arrondi, la scolopendre est plus aplatie. Pour le premier, chaque segment comporte deux paires de pattes. Pour le second, un segment a une paire de pattes mais celles-ci sont plus longues et permettent à la scolopendre de se déplacer plus rapidement.
La Tribune de Diego : Comment classer la scolopendre alors dans le règne animal ?
Radosoa.A : La scolopendre est de l'embranchement des arthropodes, du sous-embranchement des mandibulaires, de l'ordre des scolopendromorpha et de la famille des scolopendridae.
La Tribune de Diego : Quelle est l'espèce qui existe à Madagascar et dans quelles régions les trouve-t-on ?
Radosoa.A : Il existe plusieurs espèces de scolopendre à Madagascar, mais c'est Scolopendra subspinipes ou trambo chez les Malgaches qui est la plus connue et que l'on trouve plus fréquemment. Elles provoquent des morsures très douloureuses. On peut les voir partout dans l'île, mais c'est dans le nord et dans l'ouest qu'ils sont « les plus nombreux ou les plus répandus ». Mais contrairement aux scorpions, jusqu'à l'heure actuelle aucune recherche n'a été faite sur la biogéographie de ces animaux.
La Tribune de Diego : La scolopendre est-elle dangereuse ? Quelles sont les conséquences d'une morsure, peut-on en mourir ?
Radosoa.A : La scolopendre et le scorpion sont les seules espèces dangereuses à cause de leur venin à Madagascar. La morsure d'une scolopendre est certes très douloureuse mais il est tout aussi rare d'avoir une nécrose cutanée après morsure que d'en mourir. Habituellement, les symptômes disparaissent en quelques heures.
Les cas les plus graves concernent les très jeunes enfants qui se font mordre dans des régions très précises du corps, la tête ou le cou par exemple.
La Tribune de Diego : Que faire en cas de morsure ?
Radosoa.A : Faire une désinfection locale, là où la peau a été percée et prendre un antalgique. Dans des cas particuliers (bébé, existence d'autres maladies, allergie aux piqûres d'insectes ou à certains produits pharmaceutiques), il faut consulter un médecin.
La Tribune de Diego : on dit que tout ce que la scolopendre touche va se décomposer parce que ses pattes transportent du venin, est-ce vrai ?
Radosoa.A : Non, leurs pattes ne sont pas dangereuses. Les crochets à venin (forcipules) se situent sous la tête. La scolopendre n'injecte ses venins que lorsqu'elle sent une menace grâce à ses antennes. Elle paralyse son agresseur par son puissant venin, c'est ce qui nous gêne au niveau de la peau. Ce qui veut dire que la scolopendre n'attaque pas sans raison, il arrive même qu'elle passe sur une personne (pendant son sommeil par exemple) sans qu'elle ne s'en aperçoive et sans que l'animal ne morde. La scolopendre est craintive et non agressive.
La Tribune de Diego : On dit aussi que comme la scolopendre est constituée de nombreux petits segments, même coupée en deux, elle peut se régénérer et revivre, est-ce vrai ?
Radosoa.A : Non, l'une ou l'autre partie d'une scolopendre coupée en deux ne survivra plus. Elle peut rester en vie quelques minutes et est capable de se déplacer ou même de se réfugier mais elle mourra dans les heures qui suivent.
La Tribune de Diego : Quel milieu préfère-t-elle ? Comment est son habitat ? En d'autres termes, où est-ce qu'on a le plus de chance de la rencontrer ?
Radosoa.A : La scolopendre vit dans un habitat végétal, pond ses œufs dans le sol en printemps et en automne. Et même si elle s'aventure quelques jours dans la maison pour chasser de petits insectes, elle ne peut pas y survivre, elle retourne toujours dans son habitat végétal.
La Tribune de Diego : comment et de quoi se nourrit-elle ?
Radosoa.A : Comme je l'ai dit précédemment, la scolopendre se nourrit de petits insectes. C'est un carnassier et vorace. C'est pour cela qu'on la retrouve dans la douche, sur le sol et les recoins de la maison surtout s'ils sont humides et mal nettoyés. On la retrouve dans nos draps parce qu'elle chasse les punaises de lit.
C'est la nuit qu'elle chasse les organismes qui envahissent les habitations : araignées, blattes, fourmis etc.
La Tribune de Diego : On peut tuer la scolopendre avec de l'insecticide ? et d'ailleurs faut-il tuer chaque scolopendre que l'on rencontre parce que la réaction chez nous (parce qu'on en a peur) c'est de toujours vouloir la tuer, à tout prix?
Radosoa.A : On peut la tuer avec de l'insecticide et protéger les alentours avec des produits chimiques adaptés, mais il faut savoir aussi que certains produits détruisent l'environnement car sont très toxiques. Certains pays utilisent des substances naturelles que l'on applique autour de la maison, c'est le cas de la Guadeloupe, les gens utilisent une glue à base végétale, la trace qu'ils font avec empêchent les scolopendres de s'introduire dans les maisons.
Pour ce qui est de la réaction des gens à vouloir les tuer à tout prix, si elles s'introduisent dans les maisons, on peut les tuer. Par contre dans leurs milieux et dans la forêt, il faut les laisser vivre parce qu'elles font partie de la chaîne alimentaire.
La Tribune de Diego : Que faire pour qu'elle ne s'introduise pas à la maison et dans les chambres à coucher ? Comment éviter une piqure?
Radosoa.A : D'abord, garder un jardin propre. Bien nettoyer la maison et ne pas laisser trop de choses sur le sol, appliquer quelques doses d'insecticides (poudre ou liquide) sur le sol.
Pour éviter une morsure, bien secouer les draps avant de dormir et les serviettes avant de s'en servir. D'ailleurs, il est préférable d'utiliser des draps et des serviettes de couleurs claires.
La Tribune de Diego : qu'apporte la scolopendre de positif pour notre environnement ?
Radosoa.A : En réalité, ce sont d'excellents agents de lutte contre les autres insectes qui ont élus domicile dans les maisons. Ce sont des prédateurs de tout ce qui pourrait être nuisible, mais trop petits et échappent à notre vigilance. Qui sait, peut-être contribue-elle à faire disparaître les puces. Les scolopendres sont bénéfiques à notre environnement, à l'intérieur et à l'extérieur de nos habitats.
■ V.M.
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